Cituation du mois de mars 2018 (Cituation #20) :

«  La connaissance ouvre donc la perspective d’une évolution de l’économie vers l’économie de l’abondance, ce qui veut dire aussi vers une économie où la production, demandant de moins en moins de travail immédiat, distribue de moins en moins de moyens de paiement. La valeur (d’échange) des produits tend à diminuer et à entraîner, tôt ou tard, la diminution de la valeur monétaire de la richesse totale produite, ainsi que la diminution du volume des profits. L’économie de l’abondance tend par elle-même vers une économie de la gratuité et vers des formes de production, de coopération, d’échanges et de consommation fondées sur la réciprocité et la mise en commun ainsi que sur de nouvelles monnaies. Le “capitalisme cognitif” est la crise du capitalisme tout court.

Dans cette situation, un double problème se pose à l’économie capitaliste: celui de la solvabilisation de la demande pour ce qui est produit avec de moins en moins de travail ; celui de la “capitalisation” et de la valorisation d’un produit, la connaissance, qu’il s’agit pour le capital de s’approprier afin de l’empêcher de devenir un bien collectif et de le faire fonctionner comme du “capital immatériel”. »

 André Gorz, L’immatériel, Connaissance, valeur et capital, p. 47, Editions Galilée, 2003.

André Gorz distingue les connaissances, « qui portent sur des contenus formalisés, objectivés, qui ne peuvent, par définition, appartenir aux personnes », du savoir et de l’intelligence : « Le savoir est fait d’expériences et de pratiques devenues évidences intuitives et habitudes, et l’intelligence couvre tout l’éventail des capacités qui vont du jugement et du discernement à l’ouverture d’esprit, à l’aptitude à assimiler de nouvelles connaissances et à les combiner avec des savoirs. » (Ibidem, p. 13).

Il y a conflit entre l’utopie du partage des connaissances rendue possible par les technologies numériques et une des dérives du capitalisme qui cherche à contrôler et réduire les accès aux connaissances :

«  Virtuellement dépassé, le capitalisme se perpétue en employant une ressource abondante – l’intelligence humaine – à produire de la rareté, y compris la rareté d’intelligence. Cette production de rareté dans une situation d’abondance potentielle consiste à dresser des obstacles à la circulation et à la mise en commun des savoirs et des connaissances : notamment par le contrôle et la privatisation des moyens de communication et d’accès, par la concentration sur une couche très mince des compétences admises à fonctionner comme du “capital cognitif”. »

 André Gorz, L’immatériel, Connaissance, valeur et capital, p. 81, Editions Galilée, 2003.

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