Cituation du mois de février 2019 (Cituation #31) :

« Car si la fin peut éclairer la situation, c’est qu’elle est constituée comme modification projetée de cette situation. La place apparaît à partir des changements que je projette. Mais changer implique justement quelque chose à changer qui est justement ma place. »

Jean-Paul Sartre, L’être et le néant, p. 654, Editions Gallimard, Paris, 1946.

Première caractéristique ou structure d’une situation selon Sartre : la place… Voici comment il la définit :

Elle se définit par l’ordre spatial et la nature singulière des ceci qui se révèlent à moi sur fond de monde. C’est naturellement le lieu que « j’habite » (mon « pays » avec son sol, son climat, ses richesses, sa configuration hydrographique et orographique), mais c’est aussi, plus simplement, la disposition et l’ordre des objets qui présentement m’apparaissent (une table, de l’autre côté de la table une fenêtre, la rue et la mer), (…/…)

Jean-Paul Sartre, Ibidem, p. 648.

Il ne faut pas confondre la place avec les entours de la situation (autre caractéristique de la situation sur laquelle nous reviendrons plus tard) : selon ma place, c’est-à-dire ma position dans le monde (et le fait simplement d’être là, dans le monde, de prendre part au monde), mes entours (les objets autour de moi) ne sont pas les mêmes… Donc les informations sur le monde (les faits dans notre modèle) ne sont pas les mêmes.

Mais la place n’est pas simplement une question géographique… Il est intéressant de noter que l’expression point de vue, tout comme le mot position, ont aussi un sens figuré : les informations sur le monde qui se révèlent à moi comme l’écrit Sartre, sont conditionnées ou filtrées par un projet ou une fin définie par un sujet qui projette des changements.

Autrement dit, depuis notre emplacement, en général notre cerveau et nous, de manière extrêmement pragmatique, n’allons chercher que les informations utiles à notre situation (donc pour notre projet)…

Ce que la cituation du mois nous rappelle aussi (et nous sommes en plein dans la philosophie sartrienne de la liberté et de l’engagement), c’est que le fait de projeter des changements, de concevoir qu’il est possible de changer les choses, n’est pas anodin dans l’interprétation de la situation :

« Car il faut ici inverser l’opinion générale et convenir de ce que ce n’est pas la dureté d’une situation ou les souffrances qu’elle impose qui sont motifs pour qu’on conçoive un autre état de choses où il en irait mieux pour tout le monde ; au contraire, c’est à partir du jour où l’on peut concevoir un autre état de choses qu’une lumière neuve tombe sur nos peines et sur nos souffrances et que nous décidons qu’elles sont insupportables. »

Jean-Paul Sartre, Ibidem, p. 579.

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