Cituation du mois de mai 2021 (Cituation #57) :

« Dans chaque situation, je cherche ce qu’il y a de mieux à faire. Et ici, le mieux, c’est de prendre un verre et de dire à nos commanditaires : “Ne vous en faites pas, on a la situation en main”.

Parce ce que c’est la seule chose qu’ils ont envie d’entendre. »

Réplique du personnage de François Hollande dans la bande dessinée Héros de la République, de Joann Sfarr et Mathieu Sapin, Dupuis, 2021.

A toute situation, son action ? Vraiment ? C’est bien ce que notre modèle propose et c’est précisément la manifestation d’une expertise dans un domaine donné… Mais faut-il généraliser cela à la vie courante ? Y-a-t-il toujours une action adéquate à chaque situation ? On pourrait donner deux réponses.

D’abord, ne pas agir est bien une action : décider de ne rien faire reste une décision… En suivant ce point de vue, on reste dans le modèle situation – action, considérant que l’inaction est une action comme les autres.

Mais un deuxième point de vue consiste à critiquer cette exigence perpétuelle d’action ou de réponse adaptée… Cette exigence moderne de maitrise ou de contrôle de l’environnement qui déborde dans tous les domaines…

Le raisonnement de la modernité est le suivant. Je dois maitriser mon environnement. Cette maitrise, je l’obtiens par mes actions sur l’environnement. Donc à toute situation, il doit y avoir une action qui me permettra de contrôler l’environnement.

Bien sûr cette démarche a permis le progrès, le développement des sciences et des techniques mais ce raisonnement a ses limites… Car il peut laisser penser que l’homme peut absolument tout maitriser : la nature, la santé, le vivant, etc. Et il aboutit au leurre du contrôle absolu de tous les domaines de la vie et à la vision dangereuse que le monde doit toujours être disponible pour nous.

« (…/…) dans la mesure où nous, membres de la modernité tardive, visons, sur tous les plans cités – individuel, culturel, institutionnel et structurel -, la mise à disposition du monde, le monde nous fait toujours face sous forme de « point d’agression », ou de série de points d’agression, c’est-à-dire d’objets qu’il s’agit de connaître, d’atteindre, de conquérir, de dominer ou d’utiliser, et c’est précisément en cela que la « vie », ce qui constitue l’expérience de la vitalité et de la rencontre – ce qui permet la résonance -, que la « vie » , donc, semble se dérober à nous, ce qui, à son tour, débouche sur la peur, la frustration, la colère et même le désespoir, qui s’expriment ensuite entre autres dans un comportement politique impuissant fondé sur l’agression. »

Hartmut Rosa, Rendre le monde indisponible, Editions La Découverte , Paris, 2020.

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