Cituation du mois de mars 2020 (Cituation #44) :

« Pourquoi un être serait-il courageux ? Qu’est-ce qui le décide à sauter ce pas si ce n’est quelque chose d’indescriptible, un je-ne-sais-quoi qui peut avoir la saveur de l’éternité ou de la sagesse ? Entre deux situations et deux hommes, rien ne les distinguera si ce n’est, soudainement, ce passage à l’acte de l’un d’entre eux, qui aura fait preuve de courage et expérimenté les rives du presque-rien. »

Cynthia Fleury, La fin du courage, p. 108, Editions Fayard, Paris, 2010.

Même sans aller jusqu’à distinguer deux personnes dans une même situation, une même personne dans une situation donnée peut faire des choix différents (c’est l’essence même de la liberté !) : qu’est-ce qui fait que dans une situation donnée, je prendrai un chemin plutôt qu’un autre ? qu’est-ce qui fera de moi quelqu’un qui a fait preuve de courage ou non ?

« Entre l’homme ordinaire et le courageux, rien de moins différent dans l’apparence. Mais voilà, quelque chose d’imperceptible fait tout basculer : un presque-rien, dirait Jankélévitch, une manière d’être, une manière de vouloir les choses ou de ne pas avoir le courage de les vouloir. Une volonté d’accompagner la grâce, de créer l’état de grâce en soi. »

Cynthia Fleury, La fin du courage, p. 105, Editions Fayard, Paris, 2010.

Car ce je-ne-sais-quoi, ce presque-rien, dont parle Vladimir Jankélévitch, ce quelque chose d’autre, échappe à notre connaissance (nous sommes bien loin de l’informatique…)  «  Cette propriété pas-comme-les-autres, c’est, pour parler avec Bergson, l’imprévisible rien qui change tout » (Vladimir Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, Tome 1, La manière et l’occasion, p.104, Editions du Seuil, Paris, 1980.)

Invisible et mystérieux, impossible à cerner :

« Du je-ne-sais-quoi on prend conscience soit quand il manque, soit quand on le manque ; en sorte qu’il représente notre perpétuel, décourageant échec : tantôt son absence rend plus évidentes la pauvreté et l’incomplétude d’une totalité sans mystère, tantôt c’est sa présence qui défie notre entendement… »

Vladimir Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, Tome 1, La manière et l’occasion, p. 76, Editions du Seuil, Paris, 1980.

Et pourtant essentiel…

« Le presque-rien est ce qui manque lorsque, au moins en apparence il ne manque rien : c’est l’inexplicable, irritante, ironique insuffisance d’une totalité complète à laquelle on ne peut rien reprocher et qui nous laisse curieusement insatisfaits et perplexes. De quoi au juste ne sommes-nous pas satisfaits ? Pourquoi ne sommes-nous pas comblés ? Et d’où vient ce mécontentement immotivé tout semblable à celui de Mélisande heureuse-mais-triste ? Or c’est justement quand la totalité est sans défauts que l’inévidence d’une lacune toujours contestable, d’un manque toujours controversable, d’une absence toujours indémontrable pose le vrai problème métaphysique ! Quand rien ne manque, il manque quelque chose qui n’est rien ; il manque donc presque rien. Il ne manque, en effet, que l’essentiel ! »

Vladimir Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, Tome 1, La manière et l’occasion, p. 73, Editions du Seuil, Paris, 1980.

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