Cituation du mois de janvier 2017 (Cituation #6) :

« Exercez-vous une activité professionnelle ?

– « Ça dépend »… Oui, ça évidemment, on vous demande de répondre par « oui » ou par « non », alors forcément : « ça dépend », ça dépasse ! »

Réplique du film Le père Noël est une ordure, réalisé par Jean-Marie Poiré en 1982.

Au delà de la blague sur le remplissage des formulaires administratifs, qu’ils soient électroniques ou papier, et de leur formatage pour faire rentrer les administrés dans des cases (et là je m’empresse de remplacer cases par situations…), je vais m’attarder sur l’expression « ça dépend »…

Ce mois-ci, nous ne sommes pas face à une vraie cituation, puisque la citation ne comprend pas le terme situation, mais je me permets cette petite entorse car l’expression « ça dépend » résonne pour moi comme un signal quand je l’entends dans la vie courante…

Si vous êtes face à quelqu’un qui vous dit, dans une circonstance donnée : « ça dépend », vous êtes face à un expert¹… C’est-à-dire face à quelqu’un qui dispose d’une connaissance, dans un domaine plus ou moins reconnu, plus ou moins trivial, plus ou moins personnel. Et cette connaissance, il est possible de l’expliciter. Soit parce qu’elle est déjà explicite pour la personne et qu’elle est habituée à exposer cette connaissance : « ça dépend de … », « il faut commencer par savoir si… », « est-ce que … ». Soit la personne sait, mais n’a pas encore verbalisé ce savoir. Dans les deux cas, la personne qui dit « ça dépend » a en tête au moins deux situations distinctes, là où son interlocuteur n’en voit qu’une… Si elle a dit, « ça dépend », c’est qu’elle est en mesure de discriminer ces deux situations, et il devrait être possible d’exprimer cette connaissance sous forme de graphe de situations…

Et comment l’expert peut-il discriminer les situations ? En posant la bonne question, en allant chercher les faits qu’il est pertinent de connaitre dans la situation. C’est la première partie de la connaissance de l’expert. La deuxième partie consiste à savoir ce qu’implique la présence de ces nouveaux faits, ce qu’ils changent précisément dans la situation courante, et donc de définir la nouvelle situation… On retrouve là les deux dimensions de notre modèle de « noeud de situation » (noS) : les actions et les règles de transition.

En conclusion, lorsque vous dites « ça dépend », vous pouvez vous attendre à ce que votre interlocuteur vous réponde « ça dépend de quoi ? ». C’est donc que vous avez en tête plusieurs situations et des règles (de type « si… alors il faut … ») pour discriminer ces situations : vous disposez de ce qu’on peut appeler une micro-expertise (et peut-être bien plus…), que vous êtes prêt à partager…

¹ Vous pouvez aussi vous trouver en face de quelqu’un qui est dans l’évitement, qui cherche à ne pas s’engager dans une réponse précise, soit par incompétence, soit pour protéger son savoir… Mais vous verrez vite si votre interlocuteur dispose vraiment d’un savoir et s’il est disposé à le partager …

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