Cituation du mois de mai 2020 (Cituation #46) :
Antonio R. Damasio, Spinoza avait raison, Joie et tristesse, le cerveau des émotions, p. 46, Editions Odile Jacob poches, Paris, 2005.« L’ensemble des processus homéostatiques gouverne à tout instant chaque cellule de notre corps. Ce pouvoir s’exerce selon un dispositif simple : premièrement, quelque chose change dans l’environnement d’un organisme individuel, de façon interne ou externe. Deuxièmement, ce changement a le potentiel d’altérer le cours de la vie de l’organisme. (Il peut constituer une menace pour son intégrité ou bien une occasion de mieux-être.) Troisièmement, l’organisme détecte le changement et agit en fonction de lui d’une façon conçue pour créer la situation la plus bénéfique à sa préservation et à son fonctionnement efficient. Toutes les réactions se produisent selon ce dispositif et représentent ainsi des moyens d’apprécier les circonstances internes et externes dans lesquelles se trouve un organisme et d’agir conformément à elles. Elles détectent les troubles et les occasions favorables afin de résoudre, par l’action, le problème consistant à se débarrasser du trouble ou à tirer parti de l’occasion favorable. »
Voilà une belle description générale de l’homéostasie, ce processus naturel de régulation qui nous permet de rester à l’équilibre et de survivre. Ce processus vital que Damasio lie au conatus de Spinoza, pousse les organismes à s’efforcer de se préserver, quoi qu’il se passe.
Le lecteur connaissant notre position se réjouira peut-être de trouver une utilisation du terme situation dans la citation du mois sans aucune dimension projet : « situation la plus bénéfique ». Mais il y en a pourtant bien une dans ce contexte : le projet est simplement de survivre…
Antonio R. Damasio, Spinoza avait raison, Joie et tristesse, le cerveau des émotions, p. 62, Editions Odile Jacob poches, Paris, 2005.« Même lorsque la réaction émotionnelle apparaît sans connaissance consciente du stimulus émotionnellement compétent, l’émotion n’en est pas moins le résultat de l’appréciation de la situation par l’organisme. Peu importe que l’appréciation ne soit pas clairement connue par le soi. La notion d’appréciation a été prise trop littéralement au sens d’évaluation consciente, comme si le fantastique travail consistant à juger une situation et à y répondre automatiquement n’était qu’une réalisation biologique mineure.. »
L’appréciation d’une situation n’est pas un processus purement rationnel… Comme évoqué le mois dernier, l’émotion suffit souvent pour déclencher les « bonnes » réactions pour notre organisme. L’étape suivante, l’apparition d’un sentiment (la joie et la tristesse sont les sentiments les plus emblématiques) est un degré de « sophistication » supplémentaire vers un comportement encore plus adapté ou intelligent :
Antonio R. Damasio, Spinoza avait raison, Joie et tristesse, le cerveau des émotions, p. 88, Editions Odile Jacob poches, Paris, 2005.« Le premier procédé, c’est-à-dire l’émotion, permet aux organismes de répondre de façon efficiente, mais pas de façon créative, aux circonstances favorisant la vie ou la mettant en danger – aux circonstances « bonnes pour la vie » ou « mauvaises pour la vie », aux conséquences « bonnes pour la vie » ou « mauvaises pour la vie ». Le second procédé, c’est-à-dire le sentiment, a introduit une alerte mentale pour les circonstances bonnes ou mauvaises et a prolongé l’impact des émotions en affectant pendant un certain temps l’attention et la mémoire. Parfois, en se combinant utilement avec les souvenirs passés, l’imagination et le raisonnement, les sentiments donnent lieu à l’émergence d’une prévision et à la possibilité de créer des réponses qui sont nouvelles et non stéréotypées. »