Cituation du mois de juin 2020 (Cituation #47) :

« Ce qui est détruit, c’est la possibilité de l’apprentissage, en prise permanente avec le réel, au milieu de pairs ; dès lors, c’est la fin de l’expertise. On nous dit que les voitures autonomes seront toujours secondées par un conducteur humain, que les médecins pourront remettre en cause les décisions de l’algorithme ; c’est faux, car privés des conditions de la conduite, nous ne posséderons plus les réflexes nécessaires. Il en est de même pour les autres professions. Nous perdrons peu à peu notre assurance à analyser une situation et à y répondre, et nous nous reposerons de plus en plus sur la machine (de même qu’avec l’irruption du GPS nous ne savons plus nous orienter ni lire une carte). »

Marie David, Cédric Sauviat, Intelligence artificielle, la nouvelle barbarie, p. 227, Editions du Rocher, Monaco, 2019.

La technologie, et plus particulièrement l’intelligence artificielle, qui est une sorte d’aboutissement technologique, remplacent et donc détruisent des compétences qui étaient jusqu’à présent apprises et maitrisées par les hommes. L’acquisition de compétences, « vues comme des modules séparés que l’on pourrait entasser comme des briques de Lego » (ibidem, p. 226) est un leurre si elle ignore l’importance de l’expérience.

«  L’automatisation est souvent présentée comme un facteur de libération : elle permet de gagner du temps, d’éviter les tâches fastidieuses. Or, une tâche n’est pas fastidieuse en soi. C’est par la répétition de certains gestes, par le renouvellement de difficultés spécifiques, que s’acquiert la compétence technique et professionnelle. Compétence humaine et répétition sont sinon synonymes, du moins intimement liées. Lorsqu’un employeur recherche une personne formée et expérimentée, il compte non seulement sur l’instruction théorique qu’elle aura reçue, mais aussi, et surtout, sur son expérience, acquise une fois qu’elle aura été confrontée à de nombreuses situations. La répétition engendre la compétence, l’aptitude à débrouiller un nœud de problèmes au premier abord inextricable, ou la capacité à exécuter un geste parfait. Dira-t-on que le métier de Roger Federer est fastidieux ? Pourtant, quoi de plus répétitif que le sien, qui consiste à taper dans une balle des milliers de fois par jour ? La tâche ne devient fastidieuse que si elle procure de l’ennui à qui est chargé de l’exécuter. »

Marie David, Cédric Sauviat, Intelligence artificielle, la nouvelle barbarie, p. 216, Editions du Rocher, Monaco, 2019.

L’intelligence artificielle s’appuie sur le mythe de la complémentarité exprimé au départ par John von Neumann (ibidem, p. 221) : « Le mieux que l’on puisse faire, est de séparer à l’intérieur de chaque processus, ce qui peut être mieux fait par les machines, et ce qui peut être mieux fait par les hommes  ». Mais :

«  (…/…) la proposition de Neumann ne peut tenir, car il n’y a pas de stabilité dans le domaine réservé à la machine, et celui réservé à l’homme : les capacités des ordinateurs évoluant constamment, c’est ce découpage qu’il propose qui se retrouve en permanence caduc, et c’est à l’homme de s’adapter, en l’occurrence de se spécialiser dans de nouvelles tâches, celles que l’ordinateur ne peut encore réaliser. »

Marie David, Cédric Sauviat, Intelligence artificielle, la nouvelle barbarie, p. 222, Editions du Rocher, Monaco, 2019.

Et à la fin de ce processus, il ne reste que des miettes… 

D’un point de vue social et économique et sans même prendre en compte la dimension écologique, si l’on poursuit dans cette voie et qu’on l’on ne change pas notre modèle de société, on court à la catastrophe

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